Les conditions des médecins au Niger ne cessent de se détériorer. Le constat est amer : la dégradation des structures hospitalières se poursuit, tandis que les responsables semblent ignorer la situation. Dans les hôpitaux et districts, le manque de matériel médical est flagrant. Par exemple, certains centres de santé ne disposent pas de scanners, et des vies sont parfois perdues faute de réapprovisionnement en oxygène. Ces problèmes récurrents ne sont jamais sérieusement pris en charge, ni par le ministère de la Santé, ni par les plus hautes autorités de l’État.
À l’hôpital de la Poudrière, les médecins se retrouvent régulièrement à dépasser leur temps de garde. Les conditions de travail sont éprouvantes. « Nous faisons huit ans d’études pour nous retrouver dans des structures où il manque parfois même une salle pour se laver après une garde », déplore un médecin sous couvert d’anonymat. « Nous subissons sans cesse ces dégradations, et la population nous tient responsables, alors que le problème vient des plus hautes sphères de l’État », poursuit-il.
Dans certaines zones reculées, la gestion des districts sanitaires est souvent confiée à des infirmiers, faute de médecins qualifiés. En ce qui concerne les services d’ambulances, leur disponibilité est aléatoire. Lorsqu’un transfert de patient est nécessaire, le temps de réaction est souvent trop long. Il n’est pas rare que des malades soient transportés dans des véhicules inadéquats. « Les ambulanciers ne sont pas du tout équipés pour effectuer des transferts dans des conditions optimales », explique une source proche du milieu médical.
Les jeunes médecins désertent le public pour le privé
Face à ces conditions déplorables, de plus en plus de jeunes médecins refusent de participer à ce qu’ils considèrent comme une inefficacité chronique de l’État. « Tant que le gouvernement, qu’il soit civil ou militaire, refusera de prendre en compte la situation sur le terrain, le secteur médical n’avancera jamais », explique un docteur, lui aussi sous anonymat. Il poursuit : « Les Nigériens pensent que nous sommes responsables de tout cela, mais c’est faux. Ce sont des personnes en poste, qui détournent des fonds et ne font pas leur travail, qui sont responsables. »
Pour protester contre ces dysfonctionnements, des médecins se sont réunis le vendredi 23 août 2024 pour exprimer leur mécontentement face à un arrêté signé le 30 mai 2024 par la ministre de la Fonction publique. Celui-ci prévoit le recrutement par concours de 74 médecins spécialistes et 10 pharmaciens, ce que les manifestants jugent injuste. Ils réclament un retour au système d’ancienneté et dénoncent le rejet de nombreux dossiers pour des motifs jugés infondés.
En outre, l’arrêté n°0767/MFPT/E du 29 juillet 2024 a massivement rejeté les candidatures de médecins spécialistes sous prétexte de la non-présentation du diplôme de doctorat d’État en médecine. Pourtant, selon eux, seule une copie du diplôme de spécialisation était requise. Les médecins concernés ont donc décidé de ne pas se présenter aux concours de recrutement lancés par l’État, bien que quelques-uns de leurs collègues aient tout de même choisi de participer.
Un système médical saturé ?
Le secteur médical nigérien semble de plus en plus saturé. De nombreux médecins fuient le secteur public pour se tourner vers le privé, découragés par les conditions de travail et la gestion défaillante. Contrairement à d’autres pays où les médecins peuvent rejoindre la fonction publique en fonction de leur spécialisation et de leur motivation, au Niger, le concours reste un passage obligé.
Le résultat est qu’une grande partie des docteurs se détourne du service public, car l’État refuse de collaborer avec les professionnels compétents, préférant souvent placer des stagiaires ou des infirmiers à la tête des districts. De plus, certains médecins refusent les affectations proposées par le ministère, ce qui ne fait qu’accentuer la crise.
Aujourd’hui, au Niger, la situation est complexe. Le Nigérien moyen a perdu confiance en ses médecins, tandis que ces derniers, frustrés par des conditions de travail inadéquates, ne parviennent plus à exercer convenablement leur métier. Pendant ce temps, les changements à la tête des hôpitaux se succèdent, sans que la moralité ou la compétence des nouveaux responsables ne soient réellement examinées.
Par Mouhtar Laouali
Auteur de la Démocratie des évolués du Niger