Discours du Général de Division Mahamadou Abou Tarka, Président de la Haute Autorité à la Consolidation de la Paix (HACP), à l’occasion de la 28ème édition de Journée de la Concorde Nationale, le 24 avril 2023 à Tchintabaradem.
o Excellence Monsieur le Ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation ;
o Honorables députés nationaux ;
o Madame et Messieurs les Ministres, membres du Gouvernement ;
o Monsieur le Gouverneur de la région de Tahoua ;
o Messieurs les Gouverneurs ;
o Messieurs les préfets des départements ;
o Mesdames et messieurs les maires ;
o Honorable Sultan, Chef de Cantons et Chef des Groupements;
o Honorable Chef du 3ème Groupe, Amenokal des IWILLIMMIDENE ;
o Honorables Chefs traditionnels, leaders religieux et communautaires ;
o Distingués invités et participants, en vos divers titres et qualité
Permettez-moi, tout d’abord de rendre grâce au tout puissant ALLAH qui a bien voulu, dans son infinité bonté, doter notre cher pays de cet immense cadeau, qui est cette occasion sublime de célébrer chaque année, la Fête Nationale de la Concorde.
Mesdames et Messieurs,
Faisons un peu d’histoire pour mettre en évidence l’importance de la fête de la Concorde Nationale retrouvée. Après la Proclamation de la République le 18 Décembre 1958, les sujets coloniaux du Niger étaient devenus des citoyens de la République au sein de l’Union Française, puis en Aout 1960, cette République du Niger accède à l’indépendance et à la souveraineté internationale. Deux fêtes donc, les 18 décembre et le 3 aout, deux évènements importants dans la construction de notre nation. Mais la République et l’indépendance, ne serait complète qui si notre pays solidifie son Unité Nationale. C’est pourquoi, j’ai l’habitude de dire, il faut voir dans la fête de la Concorde, la fête de l’Unité Nationale, le troisième moment fort de la construction de notre Nation.
En effet, le 24 avril 1995 à Niamey, le Gouvernement du Niger signaient les accords de paix qui mettent fin à une rébellion animée par des cadres pour l’essentiel d’ethnie Touareg.
En concluant cet accord, le Gouvernement du Niger a fait preuve d’une grande vision politique. En mettant l’accord de Paix en œuvre de bonne foi, y compris dans ses parties d’intégration des ex-combattants dans les Forces de Défense et de Sécurité, notre pays a démontré au monde entier qu’aucun compromis qui sauvegarde l’essentiel, c’est à dire l’Unité Nationale et l’Intégrité territoriale du pays, n’est de trop pour arriver à la Paix et consolider la coexistence pacifique.
A y regarder de près, c’est grâce à cette culture d’ouverture, de tolérance, prompte à accepter l’intégration et à privilégier l’inclusion, que nous pouvons aujourd’hui, devant les défis posés par le terrorisme insurrectionnel, que nous pouvons envisager dis-je, d’autres portes de sortie, autres que l’utilisation exclusive de la violence légitime de l’Etat contre les groupes terroristes.
C’est grâce à la culture d’inclusion et à l’expérience réussie de l’intégration des rebelles au sein de la Garde Nationale à travers les Unités Sahariennes Motorisé, que nous avons pu procéder au recrutements spéciaux tant au sein des Forces Armées Nigériennes qu’au sein de la Garde Nationale. Ces recrutements spéciaux, comme ceux que nous avons fait à Tillia il y’a de cela plus d’un an, ont pour objectif de prolonger les capacités de nos Forces de Défense et de Sécurité en leur assurant un ancrage local. Ces recrutements ont aussi pour but, de prévenir la constitution de milices d’auto-défense, qui, toujours finissent par devenir une menace pour la population et un danger pour le monopole de la force qui doit toujours rester dans les mains de l’Etat. L’Etat dispose des pouvoirs et de contre-pouvoir lui permettant d’éviter que la violence ne s’exerce de manière impunie. Ces mécanismes sont inexistants chez les milices d’auto-défense qui ont tendance à exercer une justice expéditive en vérité peu différente de celle des groupes terroristes.
C’est également, sans doute, grâce à l’expérience que nous avons tiré de la gestion de la rébellion que nous avons pu lancer l’appel à la repentance et mettre en oeuvre le programme d’accueil des repentis de Boko Haram et maintenant d’accueil des repentis dans la région de Tillabéry, repentis en provenance de l’Etat Islamique dans le Grand Sahara et du JNIM affilié à Al Qaida au Maghreb Islamique.
L’objectif du Programme des Repentis, et je parle là sous le Contrôle du Ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation, est de nous aider à gagner la guerre que nous livre les groupes terroristes. Il s’agit d’affaiblir ces groupes en les privant de combattants, d’exploiter au maximum les renseignements sur l’ennemi et la connaissance du milieu que ces hommes ont accumulé car certains ont passé plusieurs années insérés au sein des groupes terroristes Le Programme est conduit sous la supervision d’un Comité National au sein duquel siègent tous les commandements des Forces de Défense et de Sécurité. Il est inutile de dire que toutes les précautions sont prises pour éviter les intrusions de l’ennemi ou l’exploitation de ce programme pour mener des actes terroristes dans nos villes. Il n’est pas nécessaire de rentrer dans certains détails qui relèvent du Secret Défense, mais retenez simplement que toute initiative qui aboutirait au retour des jeunes nigériens engagés dans les groupes terroristes est la bienvenue. Je vous invite donc à y travailler chacun à son niveau.
Monsieur le Ministre de l’Intérieur
Mesdames et Messieurs,
La guerre que nous impose le terrorisme est un combat difficile qui ne peut pas être mené seulement par les Forces Armées. C’est pourquoi, l’approche que nous mettons en œuvre au Niger est une approche globale qui s’attaque aussi aux causes sous jacentes du terrorisme que sont la pauvreté mais aussi les sentiments d’exclusion et d’injustice prévalent dans certaines de nos communautés que l’histoire a mis dans les périphéries frontalières de nos états. Ce n’est pas un hasard, si l’insécurité sévit surtout sur nos frontières. Frontière avec le Mali, frontière avec le Burkina, frontière avec le Bornou au Nigeria, frontière avec la Libye, toutes ces zones voient l’infiltration d’éléments terroristes et criminels qui sévissent dans les no-man’s land de l’autre coté de nos frontières. Mais s’il est vrai que le noyau, les quartiers généraux ainsi que l’épicentre des activités des groupes terroristes se trouvent dans les pays voisins, il n’en demeure pas moins vrai que des nigériens ont rejoint en masse les groupes terroristes insurrectionnels et les attaques, opérations de prélèvement de la Zakat et les vols du bétail semblent être exclusivement l’œuvre de nos compatriotes moitié bandits, moitiés terroristes qui connaissent très bien leurs victimes.
Par rapport à l’approche globale à laquelle je faisais allusion tantôt, je voudrais rapidement en résumer les grands axes. Dans la lutte contre le terrorisme, il faut bien évidemment mobiliser et déployer l’Armée, c’est à dire les FAN. Jamais notre Armée n’a été aussi équipée en armes, munitions, véhicules, avions et même drones qu’au cours de ces dix dernières années. L’Armée Nigérienne doit donc se déployer de manière durable sur le terrain, rechercher l’ennemi et le neutraliser, détruire ses bases et lui interdire toute liberté de mouvement. C’est l’axe numéro 1 de notre stratégie, que nous appelons l’axe militaire. Le deuxième axe d’effort sera entrepris par les Forces de Sécurité intérieure : La Gendarmerie Nationale, La Garde Nationale, la Police. Sous la direction du Préfet et des Magistrats, les Forces de Sécurité Intérieure ont pour mission de veiller au respect de la loi et à la préservation de l’ordre publique. Leur rôle est essentielle, mais distinct de celui des Forces Armées. C’est aux FSI de protéger les populations, de lutter en permanence contre l’extorsion et le racket, abusivement appelé Zakat. C’est aux Forces de sécurité Intérieure de lutter contre le vol de bétail opéré par les groupes terroristes à une échelle industrielle. C’est aux Forces de Sécurité Intérieur que revient la mission de lutter contre le banditisme résiduel qui se cache sous le nom de terrorisme, mais qui est simplement un banditisme d’opportunité souvent l’œuvre de enfants du terroir qui profitent de la psychose installée par l’activité des groupes terroristes pour commettre leur forfait. Contrairement à l’Armée qui opère sur instruction d’un Etat Major centralisé suivant des procédures contraignantes et une planification préalable de ses opérations, la loi met les Forces de Sécurité Intérieure sous l’autorité ou l’emploi du Ministre de l’Intérieur et du Ministre de la Justice. Le Ministre de l’Intérieur délègue cette autorité aux Préfets et le Ministre de la Justice aux Magistrats. C’est donc le Préfet qui actionne l’intervention de la Gendarmerie ou de la Garde Nationale, pas les Hauts Commandants des Forces. Cet ordonnancement juridique souffre de nombreux disfonctionnements soit par ignorance des textes, soit par esprit d’indiscipline, soit par peur de s’engager dans des missions devenues plus difficiles. Bien sûr les Forces de Sécurité Intérieure peuvent faire appel à l’Armée, si elles sont débordée ou si la menace est de type conventionnelle face à un ennemi supérieur en nombre et en puissance de feux. Mais, et nous le savons tous, ce n’est pas le cas de voleurs qui viennent avec deux motos pour opérer leurs forfaits et tranquillement regagner leur repère. Pour réussir ce deuxième axe d’effort, la Haute Autorité à la Consolidation de la Paix, avec l’accompagnement du Ministère de l’Intérieur, a développé depuis maintenant quelque années dans la région de Tillabéry, un programme d’appui au Conseil Départementaux de Sécurité. Depuis quelques mois, ce programme concerne plusieurs départements de Tahoua et de Maradi. Nous allons l’élargir au reste du pays, notamment à Maradi, Agadez et Diffa. Le projet se propose d’organiser une fois par mois, les réunions des CDS élargis aux élus et aux autorités coutumières. Il s’engage également à financer la mise en œuvre des recommandations adoptées durant ces réunions. La présence des élus, des chefs et des maires au sein de ces conseils est de nature à apporter aux FDS une meilleure connaissance du terrain sociologique et géographique de leur zone d’opération et la proximité des chefs-lieux de département avec les lieux de crise, permet de réagir au plus près des évènements et avec la célérité requise. Avec l’appui du Ministère de l’Intérieur, le programme envisage de soutenir les CDS en les dotant de personnels et de matériels prévus dans les TED des différentes forces qui les composent et de leur donner les moyens d’agir sur le terrain en permanence, bref en faire de véritables centre de décisions capables de commander des activités opérationnels. Car Mesdames et Messieurs, cette guerre ne se gagnera pas à partir de Niamey. Elle se gagnera localement. Si nous arrivons à protéger les populations, à prévenir leur appauvrissement par la Zakkat et le vol du bétail, nous aurons en fait gagner la guerre contre les terroristes car nous auront privé les terroristes de ressource précieuse qui constitue le nerf de toute guerre. Le reste, je l’ai déjà dit, est l’affaire de l’Armée qui elle doit poursuivre les groupes armés jusque dans leur derniers retranchements, et les annihiler. Toujours dans notre stratégie d’approche globale dans la lutte contre le terrorisme, le troisième axe d’effort sera constitué par le dialogue politique. Ce dialogue se déroule d’abord entre les communautés et l’Etat ensuite l’Etat organisera le dialogue entre les communautés elles mêmes. Entre les communautés et l’Etat, car il convient de prendre le pouls des communautés, de connaître leurs problèmes, leurs préoccupations leurs revendications. C’est pourquoi il faut multiplier les forums, les rencontres communautaires, les caravanes de la paix, les tribunes citoyennes, les audiences foraines. Au niveau de la HACP, nous allons dorénavant privilégier les transferts directes aux autorités préfectorales plutôt que les ONG pour animer ces rencontres. Car il s’agit aussi de renforcer la crédibilité et la légitimité de l’Etat aux yeux des populations et non de contourner les autorités. Le but de toutes ces activités est de ramener la quiétude entre les communautés et surtout prévenir l’instrumentalisation des conflits intercommunautaires par les terroristes sous le prétexte de la défense d’une communauté brimée. Car il est dangereux de laisser une communauté avoir l’impression que ce sont les terroristes qui doivent la défendre. Il faut donc aussi organiser des rencontres entre les communautés, il faut conclure des accords entre communautés toujours sous l’égide de l’Etat, à l’exemple de l’Accord de Banibangou entre toutes les communautés du Zarmaganda, accord piloté par le Ministre de l’Intérieur.
Enfin, dans le cadre de la quatrième type de réponse, la réponse économique, il faut, bien entendu, soutenir les populations éprouvées par les conflits. Les soutenir par une action humanitaire d’urgence mais aussi par la mise en œuvre de projets à impact rapide de type AGR ou HIMO, pour recréer des opportunités économiques pour les jeunes et les autres couches vulnérables de la population. Notre stratégie ainsi décrite est complète. Elle comporte un volet militaire, un volet sécuritaire, administratif et judiciaire, un volet de dialogue politique et un volet économique. La mise en œuvre de cette stratégie, devrait nous garantir la victoire et nous permettre d’éviter à notre pays le sort de nos voisins où l’Etat a disparu dans plus de la moitié du territoire. Mais il faut que chacun et chacune de nous, se convainc que l’heure est grave pour notre pays. Nous devons changer d’attitude, moins regarder nos intérêts égoïstes et nous intéresser davantage aux sorts de nos paysans, de nos éleveurs, de notre jeunesse. Malheureusement, les choses risquent de s’aggraver dans notre sous région. Dans leur fuite en avant pour garder un pouvoir arraché de force, les juntes malienne et Burkinabé se sont isolées de la communauté internationale et ne reçoivent plus aucun soutien. Ni miliaire, ni financier. Elles se gargarisent de slogans creux et font la guerre à coup de communiqués mensongers et de propagande sur les réseaux sociaux. Le réveil n’en sera que plus douloureux. Pour notre part, le Président de la République, a fait le choix de faire appel à nos alliés, français, allemands, américains, italiens, espagnols, mais aussi nos alliés africains au sein de la CEDEAO et de l’UA, des Nations Unies. Tous se mobilisent à nos cotés, sous notre direction. Ceux ci comprennent aussi que c’est à nous de mener cette guerre, ce n’est pas leur guerre, ils viennent seulement en soutien, là ou nous en avons besoin. Si nous échouons, l’échec sera essentiellement le notre, et non celui de nos alliés, si nous réussissons à protéger notre pays et à le reconstruire nous l’aurons fait en toute souveraineté.
Je vous remercie de votre aimable attention.