Depuis 2017, le concept d’un « Niger nouveau » traverse la préoccupation d’éclairer correctement la vision du pays, tant pour le monde entier que pour les Nigériens eux-mêmes. En effet, dès son arrivée au pouvoir, l’ancien président du Niger, Mahamadou Issoufou, a trouvé un pays en proie à la corruption, avec une élite qui dilapidait les biens de la nation. Selon les recherches de Seidik Abba, le régime du président évolué Salou Djibo a été impliqué dans une affaire avec le groupe libyen Lap Green Network. Ce groupe libyen a acquis 51 % des parts de la Sonitel, l’opérateur historique nigérien, et devait verser 31 milliards de F CFA à l’État du Niger. Toutefois, ce paiement n’a jamais eu lieu, l’argent étant prélevé directement dans la caisse du budget national le 3 janvier 2011. Lors de son entrée en fonction, le président Issoufou a décidé de nationaliser Sonitel et Sahelcom. Ce dossier demeure flou jusqu’à aujourd’hui, laissant la question de savoir comment se sont déroulées les négociations et si les Libyens ont réellement payé l’État du Niger.
Issoufou Mahamadou est né le 1er janvier 1952 à Dandadji. Dès son jeune âge, son père, Oumarou Issa, le surnommait « le gouverneur général du Niger ». À cette époque, les élites du Niger étaient souvent maltraitées par la politique coloniale française. Ceux qui manifestaient leur désir d’aller au-delà de leurs compétences d’instituteurs étaient envoyés loin de la capitale. C’est dans ce contexte que les premiers évolués du Niger, tels que Djibo Bakary et Hamani Diori, vécurent longtemps avant de déclencher la révolte révolutionnaire de 1956-1957 à Niamey, qui conduira à la déclaration d’indépendance du Niger en tant que République autonome en 1958. Ce fut la première fois que les élites du Niger s’installèrent durablement et pénétrèrent le système français pour bâtir un monde nigérien.
Pour l’évolué Issoufou, il fallait se former et se préparer à la mission que son père souhaitait pour lui : diriger le Niger. Issoufou était à l’origine un homme discret, peu connu, mais dont les performances étaient exceptionnelles. En réalité, toutes les images le représentant comme « hautain, inabordable, inaccessible » sont fausses. Par exemple, Harouna Abdourahmane, un magistrat ayant rencontré Issoufou, le décrit comme un homme « d’une grande ouverture, chaleureux, accessible et animé de principes ». Issoufou se soucie avant tout de « la stabilité du Niger » et du besoin de construire des structures démocratiques solides pour faire parler du Niger de demain.
Il est perçu comme un homme à la stature de « zaki » (lion), qui parle peu, mais lorsqu’il prend la parole, c’est pour dire ce qu’il pense. Il s’illustre par sa patience à résoudre les problèmes dans le silence et en laissant ses actes parler d’eux-mêmes.
De 2011 à 2015 : La centralisation du pouvoir
Le besoin de centraliser le pouvoir et de définir une politique de gouvernance s’est avéré nécessaire pour les équipes du président nigérien. Il faut comprendre que le Niger a longtemps peiné à suivre le processus de démocratisation, d’une part à cause de la méconnaissance des règles démocratiques et d’autre part à cause du rejet des paroles des autres, notamment de certaines élites civiles et militaires qui cherchaient à imposer un régime à sens unique. La justification avancée était la suivante : « Le Niger n’est pas prêt pour la démocratisation ».
Dans les travaux de l’historien Klaas van Walraen, notamment dans son livre Le désir de calme, l’histoire de Sawaba du Niger, il apparaît que le Niger a toujours tenté de s’engager sur la voie de la démocratie depuis la loi-cadre de 1956. Cette liberté a été acquise par les princes du Niger et les évolués, qui se sont distingués dans la cité, comme Djibo Bakary en 1958, lors de la proclamation de l’indépendance du Niger en tant que république autonome au sein de l’AOF. La force de Bakary, leader charismatique, a été de créer l’Union Démocratique Nigérienne, qu’il transforma plus tard en Sawaba. Les élites civiles, les chefferies et les militaires allaient désormais constituer le Niger de demain, à travers les évolués qui allaient s’emparer du pouvoir suprême laissé par le colonisateur.
À cette époque, l’évolué Issoufou découvre peu à peu une passion pour la lecture et la détermination de réaliser son rêve : devenir le président du Niger. Comme un leader charismatique, Issoufou Mahamadou ne dit que ce qu’il compte accomplir. Sur les bancs de l’université, des élites dites évoluées sont ciblées pour leur désir de changement. Le régime d’exception conduira plusieurs acteurs de la politique actuelle en exil. Ce que certains ignorent, c’est que le régime militaire de Seyni Kountché avait une police politique, et des persécutions étaient constamment exercées contre les politiciens et les intellectuels qui plaidaient pour une démocratisation du Niger. Ce sont ces intellectuels qui ont massivement contribué à l’arrivée de la démocratie, parfois au péril de leur vie. La lutte armée pour la liberté d’expression s’est menée dans tout le Niger. Le peuple nigérien n’a jamais accepté la France comme colonie. La politique de « diviser pour mieux régner » de la France a conduit à la division totale de l’identité nigérienne. À l’est du pays, les populations en voulaient à la France pour les taxes massives sur la culture de l’arachide et les maltraitances subies. À l’ouest, la métropole envoyait des contingents de soldats nigériens, notamment autour de la région de Tillabéry.
Lors de la Conférence nationale de 1991, des tensions ont émergé parmi certains militaires, qui cherchaient à reprendre et à poursuivre le projet de l’État unique, la vision de Kountché et du CMS à travers le MNSD-Nassara. Même dans ce processus de libération, les militaires, qui étaient souvent impliqués dans des affaires de corruption et subissaient un régime autoritaire sous Kountché, ont tenté à plusieurs reprises de renverser l’évolué président militaire Kountché. Officiellement, on recense environ trois tentatives de coups d’État. Dès 1963, des mouvements de mécontentement étaient présents dans l’arène politique militaire du Niger.
Issoufou Mahamadou, « le choisi », s’est d’abord installé comme directeur des mines en 1991, attirant l’attention par son calme. C’est dans cette phase que le deuxième groupe de Tarraya de Bazoum a émergé. Il faut être clair sur ce point : Mohamed Bazoum a consacré toute sa vie au Niger, s’engageant dans des luttes syndicalistes, comme Bakary. Il aime le Niger plus que lui-même et il est véritablement nigérien.
Lors de la cohabitation qualifiée « d’horrible » avec le premier président démocratiquement élu, Mahamane Ousmane, le paysage politique s’est peu à peu dessiné pour laisser place aux nouveaux évolués comme Hama Amadou, le remarquable douanier, Tandja Mahamadou, et l’affrontement avec Dermakoye pour le pouvoir du MNSD, le CDS-Rahama de Mahamane Ousmane, ainsi que le PNDS-Tarraya d’Issoufou Mahamadou, avec des figures comme Ouhoumoudou Mahamadou, Hassoumi Massoudou et Mohamed Bazoum qui ont activement milité pour faire grandir le parti.
Malgré leurs divisions, ces élites se coordonnent souvent et se retrouvent chez Souleymane Kane pour résoudre leurs désaccords. L’installation même du parti et la définition de ses objectifs ont été le fruit du travail de ces familles, souvent issues des chefferies. Ce sont ces « princes » qui ont décidé de combattre pour un nouveau monde au Niger.
Suite partie 2 : réalisation , ambition etc….
Mouhtar Laouali
Auteur , analyste, technicien en informatique
PDG MKL